Artémis Ҩ Libre

« Mon regard qui se perd, dans la brume un naufragé volontaire, sur l'écume j'ai traversé toutes mes nuit seule ton sourire au fond de l'âme.»

Mon regard qui se perd dans l'horizon, je regarde sans vraiment les voir les immeubles qui constituent New York. Le regard perdu dans le vide, j'ai perdu la notion du temps. Je sais que j'ai passé presque tout mon après midi accoudée sur la rambarde de l'empire state building. J'ai réussi à m'échapper de la Colonie pendant une poignée d'heures mais je sais qu'il faudra que j'y retourne. On ne peut pas échapper à sa condition éternellement. D'autant plus que dans mon cas, j'ai l'éternité et j'en connais un qui n'apprécierait pas particulièrement. Zeus. Mon père. Le Roi des Dieux. Enfin était. Jusqu'à ce que cette guerre éclate et que les trois grands frères revendique ce poste. Le pouvoir leur monte à la tête c'est dingue... ça nous fait une belle jambe... Surtout à moi.

Je lâche un soupire. Ce n'est pas comme si ma vie de déesse était vraiment rose en ce moment. Depuis mon pied d'estal je suis entre 2 mondes. Entre l'Olympe et le monde des mortels. Deux mondes que je ne peux plus vraiment atteindre... L'Olympe est désormais vide. Tous les Dieux l'ont déserté pour rejoindre leurs camps respectifs... Quoi qu'il doit bien rester Hestia quand même. Cela m'étonnerait qu'elle ait pris parti. Elle doit être encore et toujours en train d'essayer de maintenir le foyer. Il faudra que je passe la voir un de ces quatre. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui si je me suis échappée c'était pour une raison. C'était pour pouvoir penser en paix. Pour me remettre en question et faire un point sur ce qui m'arrive. Un Dieu déprimé vous avez déjà vu? Et bien c'est un peu moi actuellement.

En fait depuis un certain temps... Je me sens seule. Incomprise et tout le patatra. Et ce depuis que j'ai vécu parmi les mortels. Transformée en mortelle moi même par Cronos. Ridiculisée, j'ai perdu tout honneur mais pire encore, tout souvenir. Je me suis retrouvée livrée à moi même la dedans. Dans ce nid de mortel qu'est cette Pomme. Pendant un mois.

J'abaisse mon regard et je distingue parfaitement d'ici le bar où j'ai travaillé. J'ai été réduite à faire des taches humaines, rendez vous compte! Un peu plus loin il y a l'appartement que je louais au patron du bar. A droite toute, la boite de nuit la plus cotée du quartier. J'avais sympathisé avec le videur qui me laissait rentrer en VIP. C'est dans cette boite, c'est dans ce bar, c'est dans cette ville que toute ma vie a basculé. J'ai rencontré des gens, des femmes et surtout des hommes. Et j'ai brisé mon serment. Je ne vous dis même pas quand j'ai retrouvé mes souvenirs l'état dans lequel j'étais. Dépitée. Dégoutée de moi même, de la vie, des hommes, de Cronos. Je n'ai rien pu faire pour me venger par ailleurs... Je l'aurais bien ramené du Tartare pour l'y renvoyer moi même... Et j'ai perdu mes chasseresses... Mes sœurs, mes filles... En trahissant ma parole, j'ai rompu notre lien, leur rendant leur mortalité et leur retirant leur pouvoir. Mais je n'en savais rien... Je n'étais qu'une pauvre mortelle sans souvenirs qui avait envie de s'amuser et de profiter de sa jeunesse. En un mois je ne sais même plus combien de garçon sont passé par mon lit... Entre les fois où j'étais bourrée... Mais le résultat est le même. Ca a été le mois le plus intense de ma vie, à la fois génial mais avec du recul horrible. Toutes ces conséquences que je suis obligée d'assumer alors que les actes étaient sans connaissances de causes... Me voilà pieds et poings liés, déesse de la virginité plus vierge... Ce qui est un comble tout de même... Comment voulez vous que je me regarde dans un miroir la tête haute moi maintenant? Je n'en ai plus la force.

Je me dois pourtant d'être la même qu'auparavant. Les Dieux m'ont pardonnés ma faute, eux qui n'ont rien pu faire pour m'aider avant que l'irréparable ne soit commis. Il faut donc que je surmonte tout ça.

Je crois que le pire n'est pas tant d'avoir couché avec un homme... Mais d'avoir rompu mon lien avec mes chasseresses. Elles qui avaient tant besoin de moi, je les ai abandonné a leur propre sort, sans défense. Nombreuses sont celle qui aujourd'hui, 10 ans après, m'en veulent encore. Nombreuses sont celle que je continue de surveiller, celle qui sont dans le périmètre et dont j'ai gardé la trace. Elles seront pour toujours une part de moi.

Je soupire derechef et suis des yeux le parcours du soleil dans le ciel Américain. Que j'aimerais effacer simplement avec un chiffon le tableau. Que j'aimerais ne pas me sentir aussi coupable...
Mais vous savez quoi? Je vais vous faire une confidence. Mais ça doit rester entre nous. Si je m'en veux autant c'est pour une seule raison. Vous savez laquelle? C'est parce que je crois qu'au fond tout cela, toute cette aventure humaine m'a plu. J'ai pu être une personne totalement différente. J'ai découvert une part de moi que je ne connaissais pas. Le coté que ma cousine Aphrodite aime tant... Le coté de séductrice, de tombeuse. Tout cela sommeillait dans la pure Artémis et n'attendait qu'une chose: de pouvoir se réveiller. Et le fait d'avoir changé était excitant. Cependant le fait d'avoir retrouvé la mémoire n'a en rien rendormit mon coté sombre et frivole. Au contraire, il est toujours bien présent et menace de se manifester à chaque fois que je vois un mec canon. Car oui, j'ai aussi appris à regarder les hommes différemment et a ressentir autre chose que de la haine et du dégout à leur égard. Et cela est assez effrayant.

Plus le temps passe, plus je sais qu'il va être l'heure de rentrer, mais je n'ai pas envie. J'ai envie de rester là, accoudée en haut de l'Empire State Building. Je pourrais passer des jours ainsi, à regarder d'en haut New York et toute cette activité. Je pourrais passer des journées à laisser mon regard se perdre dans la brume, à dériver comme un enfant sans repères...

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